Cider with Laurie

10 avril 2006

Printemps, jogging et giboulées

Quand ils arrivèrent au parc, lui pour courir, elle pour l’accompagner et bouquiner en l’attendant, il faisait un temps splendide. Ils avaient même eu très chaud dans la voiture, et ils s’étaient fait la réflexion que le jogging allait être éprouvant.
Mais il était là pour courir, et il courrait coûte que coûte. L’ardennais est têtu de nature, et elle savait qu’il était inutile d’essayer de le faire changer d’avis. Du moment qu’il ne me demande pas d’en faire autant, se disait elle, pourquoi le contrarier ?
D’un pas décidé ils prirent l’allée centrale, contournèrent le château et longèrent la pelouse qui descendait en vagues vertes impeccablement tondues ponctuées de sapin taillés en cône et de buis minuscules entourant des massifs de fleurs jusqu’à tout là bas au fond où la ville reprenait au delà des hautes grilles.
Ils passèrent le bassin qui miroitait en contrebas, au-delà de la cime sagement cubique des marronniers qui commençaient à déployer leurs petites feuilles vert tendre. Une autre allée en pente s’engageait sur la gauche sous des arbres déjà bien fournis qui ménageaient une ombre tiède et aquatique après l’éblouissement du grand soleil. Ils la prirent et arrivèrent au niveau du bassin tout en longueur. Quelques canards nageaient paresseusement. Ils attrapaient les morceaux de pain lancés par des enfants qui riaient de les voir plonger leur bec d’un mouvement décidé vers la proie qui pourtant aurait été bien en peine de leur échapper. Des mères et des nounous veillaient à éviter les bains imprévus.
Un peu plus loin un cygne s’était aventuré sur la terre ferme et faisait une sieste sur l’herbe, entouré d’un cercle d’admirateurs. Un embranchement sur la droite s’ouvrait dans la haie, et ils s’y dirigèrent, en personnes sachant exactement où elles vont.
Presque invisible du bord du bassin, un spectacle féerique attendait le visiteur qui s’aventurait là : un jardin carré, clos de haies, abritait une multitude de cerisiers japonais dont c’était la saison de gloire. Tous couronnés d’un nuage de fleurs roses, ils remplissaient d’une barbe à papa parfumée l’enclos herbu entouré et barré en diagonales d’allées sablées.
Le moindre souffle d’air faisait neiger les pétales légers sur le sol, créant une claire flaque éphémère au pied de chaque arbre.
Des couples d’amoureux s’embrassaient sous certains, sous d’autres de jeunes mères avaient installé leur bébé, des cyclistes se reposaient, des étudiants prétendaient réviser leurs cours. Il se dégageait de la scène une impression de calme irréelle qui rejetait bien loin le trafic de la ville qui pourtant cernait le parc de toutes parts.
Elle s’installa sur un banc le long de la haie, pour profiter du soleil et commencer à prendre des couleurs un peu plus estivales. Il se mit en short et t shirt, lui confia ses lunettes, l’embrassa, et partit en petites foulées faire le tour du bassin.
Plongée dans sa lecture, elle ne remarqua pas les nuages qui se glissaient insidieusement dans la portion de ciel au dessus des cerisiers. Leur fraîcheur était même la bienvenue. Ce n’est que lorsque le coup de vent avant l’averse la fit frissonner qu’elle leva les yeux et s’aperçut de l’imminence de la pluie. Cherchant des yeux un abri, elle rassembla leurs affaires et se réfugia comme les autres promeneurs pressés sous le cerisier le plus proche. Blottis chacun sous le sien au plus près des troncs, ils tâchaient de trouver l’endroit où les branches seraient les plus protectrices, mais en même temps que les pétales les gouttes passaient facilement à travers le feuillage à peine éclos.
Regardant autour d’elle pour voir s’il ne revenait pas, elle s’amusa du spectacle de chaque arbre abritant son pèlerin, comme chaque pâquerette devait abriter sa fourmi, tout en essayant d’empêcher la pluie de tremper son livre, les affaires de son jogger, son sac, ses chaussures, ses cheveux …
La pluie cessa enfin et le soleil revint aussi vite qu’il s’était caché. Les fourmis reprirent leur chemin et elle se rassit sur son banc trempé pour attendre stoïquement. Les coureurs reprirent leur ballet, un par un, concentrés et sérieux, deux par deux, discutant tranquillement, par groupes plus nombreux, rieurs et bruyants.
Enfin elle l’aperçut arrivant par une des trouées de la haie, trempé mais joyeux. "Mais où étais tu pendant l’averse, je suis passé par ici pour qu’on retourne à la voiture ?". "Moi je t’attendais sous cet arbre puisqu’on devait se retrouver ici !". Ils rirent de leur aveuglement mutuel, elle l'embrassa en léchant une goutte de pluie sur son visage. Ils prirent le chemin du retour, remontant de l’autre côté des marronniers en suivant les cascades qui alimentent le bassin. Une statue accueillait les passants tout en haut, sur le côté du château. Un guide racontait à un groupe attentif et trempé quelles essences d’arbres poussaient dans le parc, et qui les avait choisies et plantées.
Ils prirent le chemin du retour dans le flot de voitures.

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2 Commentaire(s):

Le 10/4/06 15:15, Anonymous Anonyme a dit...

Superbe. J'adore la description du cadre. Vraiment un très beau texte

 
Le 10/4/06 15:53, Blogger Laurie a dit...

Merci, venant de toi, le compliment me touche énormément :)

 

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